"La sécurité du maître ? Ne me fais pas rire, si la sécurité du maître était vraiment ta priorité tu n'aurais pas pété une durite et paniqué comme un pauvre gamin !" siffla-t-elle. 

Elle était furieuse. Qu'il se retourne contre elle alors que c'était lui qui avait pété les plombs, il fallait le remettre à sa place. 

"Un acte un de trahison tu dis ? À ce que je sache, ton poste, c'est medicomage. Tu avais un job, et c'était soigner Avemignis, c'est l'unique raison pour laquelle je t'ai envoyé le rejoindre. Être prudent, c'est bien. Être paranoïaque, c'est dangereux."

Elle avait décidé de ranger sa baguette pour le toiser. Vu l'état dans lequel il était, continuer à pointer sa baguette ne ferrait que le rendre plus instable encore. De toute façon, elle le savait incapable de la tuer sans avoir eu l'ordre de Nathan avant. 

"Ce n'est de toute façon pas le moment de se lancer des éclairs, il y a encore beaucoup de choses à gérer, on réglera cette affaire plus tard. Alors rends-toi un peu utile, au lieu de continuer à faire des conneries."

"Si je n'avais pas eu le réflexe de tuer cet homme, il nous aurait peut-être atteints en premier. La forme est sans la moindre importance dans cette situation, tant que les résultats sont là." Il avait dit cela avec le même aplomb que d'habitude. "Peut-être as-tu gardé tes émotions sous contrôle, en apparence, mais tu n'as servi à rien. Ta seule contribution a été de m'envoyer voler à travers le couloir. Parce qu'après tout, il était bien plus efficace de faire cela plutôt que de me laisser faire un pas vers le maître, pas vrai ?" Il parlait de la même façon que d'habitude, bien qu'il s'agisse de sarcasme évident.

Lorsqu'Elena rangea sa baguette, Joshua attendit une seconde avant de le faire à son tour, le regard toujours suspicieux.

"Tu nous as mis en danger en interférant dans mon travail. Ce n'est pas de la paranoïa, c'est du bon sens. Je suis toujours utile, du moment que mes propres alliés ne choisissent pas de ruiner mes efforts. Ne pense même pas à recommencer. A présent, silence."

Le regard professionnel du loup garou était revenu, remplaçant son expression agacée. Il alla se placer auprès du maître, à une distance respectueuse, afin de le laisser terminer ce qu'il avait commencé avec l'aurore. Son regard était le même que quand Nathan l'avait abordé pour la première fois. Il attendait juste l'ordre de le soigner.

Nathan regarda, l'aurore dans un piteuse état, en train de chouiner au sol, le souffle court, recroquevillée sur elle même.
Il se baissa et lui caressa un peu les cheveux. 
"Ça ira... Ça passera ma belle..."
Au contact de sa main sur elle, la jeune femme fut secoué d'un spasme de dégoût. 
"Je... Je vous hais." 
Cracha t'elle, d'une voix fluette et éraillée.
Le jeune homme souffla du nez, un peu froissé, et secoua la tête. 
"Vous savez quoi... J'ai menti tout à l'heure. J'ai envie de faire de ta vie un enfer dans tout les cas..." 
Il pointa sa baguette sur l'avant bras écrasé de la jeune femme et posa doucement la pointe sur sa peau. 

Dans une hoquet de douleur de la jeune femme, une sorte de symbole runique commença à apparaître... Pas comme un tatouage non, mais plus comme un marquage au fer blanc.
Nathan laissa doucement sa magie se diffuser, dans la rune puis, satisfait, se redressa en la laissant seule dans sa douleur sans dire un mot.

Il passa le pas de la porte des toilettes et commença à regarder la scène puérile et il ne supportait absolument pas ça... 
"Vous deux là" 
Dit-il avec une voix sèche à l'intention de ses deux comparses... Il allait exploser. 
"Je vous jure.. '" 
Il chercha ses mots, un mal de tête cinglant venant subitement le frapper. 
"Je vous jure que vous allez regretter ces inepties. Vous êtes plus des gosses putain ! Elena, dois-je te rappeler que, contrairement à ce que tu pense, TU N' ES PAS AU-DESSUS DE TON PUTAIN DE FRÈRE ! "
Hurla t'il a s'en couper le souffle, en regardant la jeune femme avec son visage sanguinolent, en tenant fermement sa baguette. 

Il pris une grande inspiration et se tourna doucement vers le loup garou, haletant... Respirer devenait difficile, son cœur battant à la chamade sous l'impulsion de la rage... Il se noyait littéralement dans sa colère.
"Quand à toi... Plus jamais de saute d'humeur comme celle-ci... JAMAIS TU ENTENDS ! Ne voyez vous dont pas l'image que vous nous donnez ! "
il tourna les talons et se dirigea vers la salle de bal, d'un pas rapide. 
"DEGRYFFON ! SORT DE TON TROU !"

Elena était prête à cracher son venin à nouveau, prête à faire exploser Joshua d'un Confringo, son "Silence" avait été de trop. Mais heureusement Avemginis était arrivé à temps pour les arrêter. Elle s'était immédiatement calmée, comme si sa simple présence la rassurait, même s'il venait de lui hurler dessus et qu'il était au bord de l'implosion lui aussi, elle se sentait mieux quand elle le savait là.

"Désolé Avemignis, je me suis emportée quand je t'ai vu blessé, j'en prendrais la responsabilité. Ça ne se reproduira plus."

Elle fit aussi un signe de la tête à Joshua le visage neutre, pour s'excuser, pour le remercier, pour le mettre en garde, elle-même n'était pas sûre de la signification de son geste, mais ils étaient encore en mission et il valait mieux coopérer que s'ignorer, en mettant leur différent de côté pour le moment. Elle comptait, de toute façon, régler tout ça quand ils seraient de retour à la base lors du contre-rendu, aussi rangea-t-elle se sentiments pour le bien de la mission, suivant Avemignis en faisant bruyamment claquer ses talons.

Joshua était arrivé à temps pour voir Nathan graver une rune dans la peau de la femme. Il resta inexpressif devant ce spectacle, mais ne put s'empêcher de grimacer intérieurement. Il considérait toujours la torture comme contre-productive, une perte de temps qui ne servait qu'à satisfaire l’ego de celui qui la pratiquait. Qu'elle soit utilisée pour obtenir des réponses, ou pour asseoir sa domination pour quelqu'un. Il fut tenté d'achever l'aurore pour une seconde, avant de réaliser que sa propre vie comptait bien plus pour lui que le confort d'une ennemie qui avait tenté de les assassiner.

Il restait dégoûté, cela dit. Lorsqu'il était témoin de ce genre d'agissements, il doutait de sa foi en Nathan. La société qu'il souhaitait créer était souhaitable pour le loup garou, certes, sur le papier. Mais plus il observait cet homme, plus il se demandait si son but ultime n'était pas de satisfaire ses pulsions narcissiques. Ou... peut-être était-il juste implacable envers ses ennemis, qu'il tentait de créer de la peur afin de ne pas être attaqué ? Après tout, il avait protégé Joshua à plus d'une reprise, et il était plutôt rare qu'on lui accorde ne serait-ce qu'un regard.

Il faillit faire un pas en arrière lorsque le maître se mit à crier sur eux, mais il n'en montra rien. Il avait retrouvé son regard professionnel, et cette fois, il s'était attendu à ce qu'il soit en colère. Ces chamailleries puériles étaient une bonne raison de s'agacer, après tout, sans compter leur manque de cohésion et d'efficacité. Il baissa le regard. Pourrait-il promettre de ne plus jamais avoir ce genre de sautes d'humeur ? Probablement, mais si l'un de ses alliés utilisaient à nouveau leur magie sur lui alors qu'ils étaient déjà attaqués, il ne pourrait le garantir. Il se garderait bien de le dire, cela dit.

"... Je vous prie de me pardonner. Je n'aurais pas dû assumer le pire. Cela ne se reproduira plus", répondit-il avec sa voix douce habituelle.

Il releva doucement les yeux vers Elena lorsqu'il capta son regard, et il fut soudain submergé par un sentiment de fatigue et de pure résignation. Il ne savait pas bien d'où il venait. Peut-être était-ce le fait de devoir accepter l'idée qu'il ne pourrait pas lui faire confiance à elle non plus. Il lui rendit son signe de la tête, bien qu'il soit sans signification, et il fit de son mieux pour suivre le pas de Nathan. La salle de bal était étrangement silencieuse ; les invités présents s'écartaient et semblaient vouloir se faire petits. Malgré lui, Joshua se mit en alerte et regarda aux alentours afin de capter un éventuel danger.

Nathan passa en furie entre les invités, qui s'écartèrent devant le spectacle de puissance pure qu'il offrait.
Le sang avait coulé sur son visage contrastant avec le vert de ses yeux, et commençait à se rependre sur son cou et sa chemise...
Deux hôtes du bal bifurquèrent vers lui pour essayer de le sortir de sa crise en le priant de revenir à lui... Mais ils furent projeté contre les murs, sans même que le mangemort ait à lever la main.

Devant lui... Il le voyait... Degryffon. Il ne voyait plus que lui. Les hôtes étaient devenus des ombres qui s'écartaient de grès ou de force sur son chemin... Les torches s'éteignait et un froid glacial accompagnaient sa marche rapide qui se mua rapidement en course. Les mètres qui les séparaient se réduisait rapidement... tandis que sa vision aussi.

Il ne pensa même pas à envoyer un sort. Non. Il ne restait plus qu'un instinct sauvage qui brûlait en lui. La proie qui courrait, et lui qui allait bientôt en finir... Enfin... C'est ce qu'il pensait... Avant que son cœur rate un battement, puis un second... Puis encore un.
Le jeune homme plaqua une main sur sa poitrine avant de ralentir sa course, chanceler sur quelques mètres... puis il regarda son autre main alors que le monde commença à tourner autours de lui. Des milliers d'étincelles de plus en plus ténues s'échappaient... Jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus aucune.

Le monde devint flou... Et ses jambes le lâchèrent. Dans sa rage... Il avait épuisé bien plus de magie qu'il était capable d'en utiliser. Et sans compter la tachycardie qui le harcelait depuis tout à l'heure, et la perte de sang... Nathan avait fait un arrêt cardiaque.
Il eu l'impression de tomber dans un puits sans fond, accompagné seulement d'un mal de tête qui lui sciait le cerveau.
Il s'écrasa dans une grande pièce noire, dont le sol était aussi froid que celui du château.

Il tenta de se relever doucement... Et entendit quelqu'un taper dans ses mains.
"Bien joué fiston... Ne t'avais-je pourtant pas mis en garde sur le surmenage magique?"
Nathan aurait raté un battement... Si il le pouvait encore.
"Encore toi! TU ES MORT! MORT TU ENTENDS?"
L'ombre d'un homme habillé d'un smoking noir fumant la pipe se détacha du fond de la pièce et celle-ci regarda ses mains.
"Ah bon? J'ai pas l'impression perso."
Graham afficha un sourire en coin en s'approchant de Nathan et lui souffla de la fumée au visage.
"Tu n'es que mon esprit ! Tu n’existe plus! "
"Regarde toi... Tu n'es plus que l'ombre de toi même. Tellement consumé par la rage... Tellement abrutit par la cause que tu défend... Tellement rongé par cette envie de pouvoir... Que tu n'arrive même plus à faire fonctionner tes neurones. Ne t'ais-je rien appris?"
Fit Graham d'une voix froide, en le poquant avec le bout de sa pipe, sur le front. Nathan ressentit une forte douleur au niveau du cœur... 
"Je regrette un peu de t'avoir appris des choses si je savais ce que tu allais en faire. Mais sache quelque chose... Tu as beau être un Avemignis... Tu es loin encore d'avoir mon niveau... Et vu comment tu es parti, tu seras mort avant de savoir comment transcender cette dernière."
L'homme se scia d'un sourire ravageur lorsqu'il vit la seul pupille valide de Nathan se rétracter, sous le coup de la réalisation. Le jeune homme bégaya comme un enfant à qui on avait annoncé une punition.
"Tu n'as pas fait ça. C'est presque impossible de le faire normalement! Tu l'avais dit toi même!"
De l'air envahi les poumons du jeune homme et le sourire de Graham s'élargit encore et il fit volte-face.
"Rien n'est impossible pour le plus grand mage de l'univers. A plus tard gamin." 
La pièce devint d'un seul coup toute blanche, et Nathan se sentit tiré vers le haut.

Joshua eut une terrible sueur froide lorsqu'il vit le maître s'étaler sur le sol de la salle de bal. Étonnamment, il n'en montra rien, cette fois, et aucun signe de panique n'apparut sur son visage. Seulement une forme de surprise, qui dura moins d'une seconde. Son prochain réflexe fut de courir vers lui immédiatement. Le regard professionnel, il le retourna lentement sur le dos, aussi bien que ses forces le lui permettaient, et il prit sa main dans la sienne.

"Monsieur, si vous m'entendez, serrez ma main."

Pas de réponse. Il serra son poignet pour prendre son pouls, et le résultat le fit grimacer. Il plaça une main contre sa bouche. Il ne respirait pas. Cela ressemblait à une attaque cardiaque, mais peut-être était-ce un sortilège ? Joshua releva le regard, pour constater que tous les yeux de la salle étaient rivés sur eux. Il jura dans sa tête. La mission était un désastre complet et total. Le maître avait besoin de soins immédiats et de repos. Tenter de le réanimer au milieu de la salle serait stupide. Ils ne pouvaient pas rester.

Pourtant, ils ne pouvaient pas laisser la mission être un échec aussi cuisant. Peut-être pourrait-il laisser Elena s'occuper de Degryffon, et transplaner à la base avec Nathan pour lui prodiguer les soins dont il avait besoin ? Mais cela représentait un gros risque pour elle. Il aurait pu être soulagé qu'elle meure, certes, mais pas dans cette situation. Si Nathan se réveillait et que Joshua devait lui apprendre le décès de sa sœur, il ne pourrait garantir sa propre sécurité.  Il rechignait à lui faire confiance également, et craignait qu'elle utilise l'opportunité pour les trahir, mais il n'avait pas vraiment le choix.

Il ne pouvait pas parler à Elena à voix haute, puisqu'ils avaient l'attention de tous les invités. Il se rappela très vite qu'elle était legilimens. Peut-être que d'autres l'étaient, mais ces personnes restaient rares, et cette technique limiterait considérablement le nombre d'invités qui pourraient les entendre. Joshua se concentra très fort, et ses pensées, habituellement chaotiques, se formèrent soudainement en une phrase très claire. "… Elena, puis-je te faire confiance pour aller « parler » à Degryffon ? Si tu échoues ou que tu ne penses pas le pouvoir, tu sais où nous serons."

Il ne lui laissa pas le temps de répondre avant de disparaître avec Nathan.

Une aurore encore à l'agonie dans les toilettes, elles-même ravagées par l'onde de choc de Joshua, un majordome mort, un autre inconscient, deux autres personnes en piteux états... C'était là le chaos dans lequel ils avaient laissé Elena. En voyant Avemignis s'écrouler elle avait immédiatement lancé un Protego, et Joshua avait eu l'excellent réflexe de le ramener à la base. Elle avait très bien reçu son message, et elle se tenait maintenant seule devant une foule aux sentiments divers et variés. Même si était morte d'inquiétude pour Avemignis, elle le savait entre de bonnes mains et elle devait finir la mission. Pour l'instant, il lui fallait surtout agir avant que les gens ne commencent à paniquer. 

Elle envoya donc un message à un groupe de mangemorts pour leur dire de transplaner ici et lança un Recurvite sur le sol, avant de prendre la parole :

"Ne vous inquiétez pas, Avemignis se remettra vite de ses blessures. Je serais sa représentante pour le reste de la soirée. Que ceci vous serve aussi d'avertissement, on ne s'oppose pas au Premier Ministre sans conséquences. Monsieur Lefeuvre, merci d'accompagner nos invités dans une autre salle, le temps que je finisse de réparer."
"Bien sûr. Tout le monde, allons dans ma deuxième salle de réunion."

Pendant qu'il évacuait les sorciers, Elena ordonna aux majordomes de s'occuper des deux nobles évanouis et de les emmener pour les soigner et retourna ensuite dans le couloir le temps que les mangemorts arrivent (puisqu' ils ne pouvaient pas transplaner à l'intérieur du domaine) en jetant un regard piteux à la jeune femme, par terre. Elle n'avait plus mal, elle était allongée, les membres encore tremblants et la respiration courte, le corps couverts d’hématomes aux couleurs exotiques, les joues trempées de larmes. Elena lui tira les cheveux en se baissant pour l'amener jusqu'à son visage.

"Sale chienne," cracha-t-elle. "Qu'espérais-tu donc, en attaquant notre leader ? Que cela vous serve de leçon, à toi et aux autres traîtres, vous n'arriverez à rien."

Elle la laissa retomber et se redressa en époussetant sa robe. Avec un puissant Reparo elle rendit à l'énorme miroir brisé son apparence originale et en profita pour se refaire rapidement une beauté, réajustant sa robe et ses cheveux. Les mangemorts arrivèrent en courant et elle se tourna vers eux pour leur donner les ordres. 

"Toi, occupe-toi du cadavre. Vous deux, ligotez-moi l'autre là-bas et amenez-le à la base pour un interrogatoire avec l'aurore, je les veux vivants. Les autres, réparez-moi et nettoyez-moi tout ça au plus vite. Nous avons déjà causé bien trop de problème à notre hôte déjà..." dit-elle d'un ton presque amusé. 

Edgar Lefeuvre était justement en train de revenir, visiblement mal à l'aise, le même sourire scotché sur le visage. 

"Ne vous embêtez pas, mon personnel va s'occuper des nuisances..."
Elena lui rendit son sourire. "Allons, Monsieur Lefeuvre. J'insiste. Avec tous les dégâts causés... C'est normal. Et puis c'est à nous de nous occuper de nos propres ennemis. N'est-ce pas ?"
"Bien sûr, bien sûr."
"Enfin, vous devriez faire plus attention. J'ignore comment elle s'est introduite ici, mais ce n'est qu'une histoire de temps avant qu'elle ou son compagnon ne crache le morceau. Si elle a vraiment agi seule, comme elle le prétend, cela voudrait dire que les défenses de votre château ont une brèche, et il faudra y remédier rapidement !"
"Je... Suis déjà en train d'y remédier."
"Parfait, retournons voir tout le monde, le temps que mon équipe s'occupe de tout," fit-elle en passant son bras sous celui du noble, l'éloignant de la scène. "Les invités doivent être encore un peu... Chamboulés, il ne faudrait pas les inquiéter davantage."

Elena connaissait ce ressenti. Ce regard qu'il avait eu, son expression, ses gestes... Il était intimidé. Intimidé par Nathan, après la démonstration de force qu'il venait de montrer, son mental d'acier, il venait probablement de le reconnaître comme son maître. Il s'écrasait complètement devant elle pour montrer qu'il était de leur côté, peut-être même cherchait-il à avoir des faveurs. Il avait compris qui était la proie et qui était le chasseur, quel camp était le gagnant. Cependant, elle s'attendait à autre chose de sa part, elle était même déçue. Elle affichait pourtant un sourire satisfait, le dos droit, marchant comme une reine. 

"Savez-vous à quel point les blessures d'Avemignis sont graves ?" demanda-t-il d'une voix incertaine.
"Avec tous ces événements qui s'enchaînent, Avemignis n'a pas le temps de se reposer entièrement... Il est constamment en train d'avancer vers notre but ultime, et il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas réussi. Il n'est pas du genre à se reposer sur ses lauriers après chaque bataille gagnée. Cependant, il a quand même parfois de repos... Mais comme toujours il se relèvera pour faire face à l'adversité et nous mener vers la lumière, ne vous inquiétez pas."
"Je vois. Tant mieux."

Ils arrivèrent finalement dans la deuxième salle. Elle était plus petite que la précédente mais toujours aussi spacieuse, et aussi bien plus lumineuse, pour des raisons qui lui échappait. En entrant, tout le monde s'était tourné vers Elena et d'un simple regard elle pouvait voir ce qu'il ressentait sur leur visage. De l'admiration, pour la plupart, de futurs alliés et sponsors donc, de la peur pour d'autre, de potentiels sponsors qu'il serait facile de manipuler car ils seraient trop effrayés pour s'opposer à quelqu'un d'aussi puissant, et d'autres encore avec un une expression dure, de défi, les dangers qu'il fallait éliminer pour continuer à monter les marches du pouvoir. En un instant et se basant sur les informations qu'elle avait déjà récoltée avant la tentative d'assassinat elle s'était fait une carte mentale de toutes les personnes présentes et les avaient divisés en trois catégories : les alliés puissants, les sponsors et les opposants. Degryffon était le seul qui ne rentrait dans aucune catégorie, c'était un cas à part qu'elle devait prendre avec des pincettes, mais elle préférait s'occuper de lui en dernier. De toute façon, convaincre et discuter avec les autres nobles n'allait pas être d'une grande difficulté pour Elena. 

Elle lâcha le bras de Lefeuvre pour rejoindre un groupe de quatre nobles qui l'accueillirent à bras ouvert et tout le monde reprit ses occupations, qui consistaient principalement à boire, manger, bavarder et danser. Elle resta un court instant avec ce petit groupe, ils avaient déjà prévu de rejoindre la cause et attendaient juste de voir Avemignis pour confirmer ce qu'ils savaient déjà, Elena ne faisait que leur confirmer qu'ils n'allaient pas le regretter. Elle dansa ensuite avec Emeric Halphen, héritier d'une très grande famille qui avait fait fortune dans le trafic d'animaux magiques. L'homme était très intelligent et il lui avait fallu un certain temps avant de le convaincre, mais il avait finalement cédé et elle se fit alors alpaguer par un groupe de femmes. Elle conversa et ria avec elles pendant un moment, la plupart était des héritières de grandes familles, d'autres des épouses ou encore des veuves au caractère bien trempée, et s'attirer leurs bonnes faveurs permettait à Elena de ne pas avoir à discuter avec tout le monde, elles pouvaient en parler à leur entourage et faire passer le mot dans toute la haute société. 

Dans un sens, Elena était déchaînée. Elle enchaînait conversations politiques et anecdotiques d'un clignement de yeux et gardait son calme dans n'importe quelle situation, quand on la confrontait à un argument négatif elle se contentait simplement de répondre qu'elle n'était pas là pour se défendre mais pour partager ses idées, et que ceux qui n'étaient pas capable d'en voir le potentiel pourront toujours le confirmer de leurs propres yeux plus tard, mais qu'il sera alors trop tard pour y participer. Pour être honnête, elle s'inquiétait toujours pour Avemignis et faisait de son mieux pour aller au plus vite, mais elle ne voulait pas non plus bâcler le travail, aussi essayait-elle de se concentrer pour être des plus efficace. Mais les regards qu'ils s'échangeaient avec Degryffon se faisaient de plus en plus réguliers, dans une sorte de guerre froide à qui rassemblerait le plus d'alliés et écraserait son adversaire. Elle se préparait à l'affrontement final. Et puis, finalement, lorsqu'elle se sentit prête, elle se dirigea vers lui. 

"Enfin," dit-il avec un large sourire, en tendant la main. "J'avais pourtant réservé en premier. Le meilleur pour la fin, c'est bien ça ?" 

Elle prit sa main sans lui rendre son sourire, le fixant droit dans les yeux.

"En quelque sorte." 

Ils se dirigèrent vers la piste de danse. Il posa une main sur sa taille, elle sur son épaule et lièrent leur main libre pour partir sur une valse légère, au rythme de la musique. Ils restèrent un instant silencieux, à s'observer sans un mot, cela aurait presque pu être romantique si les deux ne savaient pas déjà ce que l'autre pensait. Maintenant qu'elle y réfléchisait, Degryffon faisait partie des premiers vrais hommes qu'elle avait connu. Son petit cœur d'adolescente n'avait pas pu s'empêcher de s'attacher plus qu'elle n'aurait dû, elle restait une adolescente après tout. Elle avait fini par oublier ces sentiments, mais il lui avait quand même fallu un certain temps. Être reconnue comme une femme par un homme mature alors que tous les autres la traitent comme une enfant, n'était-ce pas là le rêve de toutes ? Il avait l'habitude, il savait profiter de cette faiblesse d'esprit.

"Je ne suis plus celle que j'étais." 
"Cela aurait été ennuyant, sinon." 

Il glissa ses doigts dans son dos pour la rapprocher encore plus de lui, collant presque leurs deux corps l'un contre l'autre. 

"Tu étais déjà un diamant à l'état brut à l'époque, mais tu es devenue la plus belle de gemmes."
"Ce genre d'accroche... Ça ne fonctionne plus non plus." 
"Tu adorais ça pourtant." 

Il se pencha à son oreille pour lui susurrer doucement, d'une voix grave : 

"Ma précieuse." 

Elle eut un long frisson qui lui parcourait l'échine. C'était le surnom qu'il lui avait donné à l'époque. Il en avait un pour chacune de ses... Conquêtes. Degryffon était un homme marié. Cependant le mariage avait été politique et lorsqu'ils eurent produit un enfant sa femme était retourné dans son pays, auprès de sa famille. Elle connaissait très bien ses préférences pour les plus jeunes et n'avait pas voulu le côtoyer plus longtemps. Il ne s'était jamais occupé de son fils, le laissant aux nounous et tuteurs, et lorsqu'il fut majeur il partit de son côté et se maria à une fille de riche famille au Canada, loin de son père. Son penchant pédophile n'était plus un secret pour grand monde, mais personne ne disait rien, et il n'était de toute façon pas le seul. Elena ne se laissa pas décontenancer pour autant. 

"Pourquoi s'opposer à Avemignis." 

Ce n'était même pas une question, tant pour elle c'était absurde. 

"Pour beaucoup de raisons. Ce qui vient de se passer n'a fait que confirmer ce que je pensais déjà." 

Comme il n'avait pas l'air de vouloir en dire plus elle lui lança un regard noir et il sourit. 

"Il est instable, ma précieuse. Ce n'est qu'un gamin qui ne sait pas ce qu'il veut, dans une quête inespérée de reconnaissance. Il est fort, je dois le reconnaître, très fort même, mais avec ce tempérament, il ne tiendra pas longtemps. Il est comme un feu de forêt, il se nourrit et détruit tout ce qu'il y a sur son passage, jusqu'au jour où il n'y aura plus rien et il n'aura pas d'autre choix que disparaître. L'ancien premier ministre n'étais peut-être pas assez... Decisif pour vous, mais il avait le mérite de réfléchir avant d'agir et de faire les choses consciemment, il ne se donnait aucun droit à l'erreur et prenait toujours toutes les précautions, ce qui pouvait sembler comme un manque d'activité. Pardonne-moi le jeu de mot mais... Avemignis ne ferra pas long feu." 

Elena resta de marbre. Elle aurait été capable de lui lancer un Endoloris pour oser parler ainsi d'Avemignis, le traiter de gamin instable, c'était impardonnable, mais elle savait que le point fort de Degryffon, c'était ses mots. Elle ne devait pas se laisser emporter par ses belles paroles et le laisser dire tout ce qu'il voulait, c'était tout ce dont il était capable, se confronter physiquement à Avemignis serait du suicide, et il le savait.

"Et vous pensez donc pouvoir faire mieux ?"
"Cesse de me vouvoyez je t'en prie, j'ai soudainement pris 40 ans," répondit-il avec une moue triste. 
"Répondez." 

Il lâcha un petit rire. 

"Je n'ai pas cette arrogance, non. Mais j'estime avoir assez de sagesse et d'expérience pour reconnaître quelqu'un qui fonce droit vers un futur désastreux. D'abord il va commencer par perdre la boule, puis petit à petit il perdra aussi de sa puissance, en voulant tout le temps l'utiliser il finira par user tout son potentiel magique et plongera encore plus bas en voulant retrouver sa forme d'antan, plongeant en même temps encore plus dans la folie, jusqu'à ne plus reconnaître ses propres alliés. Les gens réaliseront qu'il n'a rien de la figure forte qu'il croit être et ils se retourneront contre lui, et alors il comprendra qu'il n'avait jamais eu ce qu'il fallait pour être un bon leader. Il se rongera de l'intérieur et disparaîtra, seul, faible, et misér-" 

Elena le coupa en le giflant subitement. La claque avait résonné dans toute la salle et tous s'étaient arrêtés pour se tourner vers la scène, les yeux grands ouverts. Degryffon avait reculé de deux pas sous la puissance du coup et Elena se tenait devant lui, le visage plus froid que jamais.

"J'ignorais que tu avais de tels don en divination," dit-elle simplement. Elle ordonna à l'orchestre de reprendre la musique d'un regard et reprit la main de Degryffon pour continuer à danser.

D'abord choqué, il avait finalement retrouvé son sourire charmeur et la regardait avec les yeux brillants, comme si plus ils discutaient plus il la trouvait sublime.

"Je dois dire, plus que d'être devenue une magnifique femme, ton tempérament me plaît encore plus. Cette nouvelle face de toi... Me fascine." 
"Je sais très bien que ce n'est pas avec des mots que j'arriverais à vous convaincre, Degryffon," l'ignora-t-elle royalement. "Je n'ai pas votre talent avec les mots et je sais que peu importe ce que je dirais vous resterez sur votre position. Vous n'êtes pas notre opposant pour rien, finalement. D'ailleurs vous savez très bien que c'est la même chose pour moi, jamais je ne changerais mes convictions."

Elle se rapprocha de son oreille en tirant doucement sur les cheveux de sa nuque.

"Alors arrêtons ce petit jeu et allons directement dans le vif du sujet... Armand." 

Elle sentit ses mains l'agripper sans aucune gêne, comme si l'animal qui était en lui venait de se réveiller. Il se calma cependant immédiatement, il ne voulait pas montrer cette image de lui à tous les invités. Son corps entièrement collé à celui de la jeune femme, il chuchota :

"Que propose-tu ?" 

Elle lui sourit et se défit de son emprise. Elle le fixa un instant, immobile, avant de lui tourner le dos en faisant voler sa robe et ses cheveux pour disparaître dans un couloir vide. Elle marcha quelques minutes sans savoir où elle allait et sans jeter un seul regard derrière elle. Elle pouvait entendre des pas derrière elle, sans aucun doute ceux de Degryffon. Ils se firent soudain plus rapides, l'instant d'après il attrapait son épaule pour la retourner et la plaquer contre une porte, la respiration haletante. 

"Tu es bien impatient," sourit-elle.
"Elena..." 

À nouveau, elle eut un frisson. Sa voix rauque quand il chuchotait déclenchait en elle des émotions qu'elle pensait disparues depuis longtemps. Elles refaisaient surface après un long moment, aussi elle fut prise sur le coup et ne sut quoi répondre. Il profita de cet instant de faiblesse pour capturer ses lèvres dans un baiser fiévreux et elle lui rendit son étreinte. Il la souleva par les fesses, caressant ses rondeurs tandis qu'elle se cramponnait à lui. Il ouvrit la porte derrière elle sur ce qui ressemblait à une petite bibliothèque - considérant les standards de Lefeuvre, c'était déjà très grand - avec plusieurs fauteuils et canapés en cuir. Il défit les boutons du col de la robe d'Elena avant de l'allonger sur le canapé et de quitter ses lèvres pour venir jouer avec ses seins. 

"Armand... !" haletait-elle entre deux mordillements.

La tension sexuelle atteignait des températures de plus en plus élevés. Ils avaient tous les deux enlevés leurs vêtements pour se faire l'amour sans retenue, pendant de longues minutes, seulement guidés par leur instinct. Elena l'avait renversé en arrière pour s'asseoir sur lui, prenant le dessus.

"Tu te souviens, Armand ?"

Elle prit les mains de Degryffon, occupées à caresser ses seins, pour les remonter jusqu'à son cou. Il avait immédiatement serré et elle s'était encore plus cambrée.

"J'avais oublié ce petit... Extra," sourit-il.

Degryffon n'était pas spécialement dans le S/M, mais il avait été curieux pendant une période, au moment où il avait rencontré Elena. Et sa pratique préférée à cette période-là était la strangulation, elle lui donnait une sensation de contrôle, de pouvoir, de peur et d'excitation en même temps, encore aujourd'hui il aimait le faire de temps à autre. Elle lui rendit son sourire et passa à son tour ses mains autour du cou de Degryffon. Il parut surpris pendant un instant mais joua le jeu. Elle se mit à serrer elle aussi. Elle sentait le point culminant arriver alors elle se mit à serrer plus fort. Il fit de même et elle serra encore plus fort, bloquant aussi ses jambes avec les siennes. Il eut le réflexe de tenter de se défaire de son emprise mais elle utilisait son poids pour l'en empêcher, et elle se mit encore à serrer plus fort. Degryffon ne souriait plus du tout, il venait de comprendre ses intentions. Quant à elle, elle jubilait. Elle le regardait tenter de se débattre sous elle et elle le toisait de toute sa hauteur, un sourire dément sur les lèvres. Elle continuait de serrer plus fort, et il fit l'erreur de tenter d'atteindre sa baguette avec une main, la laissant respirer un instant. Evidemment, sa baguette était trop loin, elle l'avait délibérément éloignée de façon à ce qu'il puisse la voir mais jamais l'atteindre, elle savait qu'il était incapable de faire des sorts silencieux. 

"Concentre-toi... Sur moi," dit-elle. "Ne t'arrête pas..." 

Il resserra ses deux mains autour de son cou mais c'était trop tard : c'était devenu un concours d'endurance et elle s'était préparée. Il essayait aussi de se débattre mais il ne faisait que se fatiguer encore plus. 

"E...le...na..." 

Le sourire de la jeune femme s'agrandit. Cette lueur de peur et de désespoir dans ses yeux, son expression horrifiée mélangé à l'excitation, c'était le combo parfait. Plus elle serrait et plus lui aussi serrait, comme un jeu du chat et de la souris, qui allait se tenir debout en dernier ? Degryffon n'allait pas tenir plus longtemps, elle le savait, elle le sentait. Au moment où il perdit connaissance elle fut prise d'une vague de plaisir parcourant tout son corps telle une décharge électrique, comme si l'air manquant dans ses poumons qu'elle venait d'inspirer était la meilleure des drogues. Elle resta ainsi encore un moment, pour être sûre que Degryffon n'ait pas fait semblant avant de finalement le lâcher, la respiration haletante, un sourire satisfait sur les lèvres. 

Elle récupéra sa baguette et lui lança un Incarcerem et un Bloclang par pure précaution, faisant apparaître des cordes magiques autour de lui. Pour l'instant il était seulement inconscient, et elle faisait tout pour éviter les complications. Elle récupéra la baguette de Degryffon et se rhabilla en quelques secondes - l'avantage de ne porter qu'une robe. Elle attacha aussi ses cheveux en queue de cheval avant de s'affaler sur un fauteuil en poussant un long soupir de satisfaction. Pour être tout à fait honnête, ce n'était pas le but initial d'Elena, coucher avec Degryffon. Elle avait prévu de l'humilier en public, mais quand elle était agacée elle avait tendance à vouloir calmer son agacement avec un acte sexuel intense. Et quoi de mieux que de l'humilier en prenant sa revanche, il pensait pouvoir contrôler son corps car c'est lui qui avait fait d'elle une femme, il était même persuadé qu'elle était entièrement sous son contrôle. De le voir perdre toute confiance, son sourire disparaître pour se remplacer en une grimace, le sentir se débattre, impuissant, ça avait été des plus satisfaisant. Jubilatoire, jouissif, orgastique. 

Son objectif était, de toute façon, sa baguette. En bois d'acacia avec un cœur en plume d'oiseau-tonnerre, d'une longueur de 28 centimètres et extrêmement rigide, la baguette de Degryffon avait appartenu à un de ses ancêtres et était d'une grande puissance, seulement la baguette n'acceptait pas n'importe quel péquenaud et qu'elle finisse dans les mains de Degryffon était un véritable gâchis, il n'avait jamais réussi à en utiliser pleinement le potentiel. Cela faisait longtemps qu'elle la convoitait, surtout depuis qu'elle savait que c'était une de ses plus grandes fierté - et il y avait de quoi, la baguette était magnifique, d'un raffinement rare, comme on n'en faisait plus. Et maintenant... Elle l'avait récupérée. Elle l'admira un instant, un sourire presque niais sur le visage avant de la ranger à côté de la sienne, contre sa cuisse, et de se lever.

Elle posa ses yeux sur le corps inconscient de Degryffon et hésita un instant à le tuer, mais elle renonça bien vite, elle voulait qu'il réalise pleinement ce qu'il lui était arrivé et ce qu'elle lui avait dérobé. Elle décida finalement de laisser un message en lettre de feu dans les airs, disant simplement "Merci pour la précieuse" et ressortit de la pièce en fermant la porte. Elle déambula un instant dans les couloirs, l'humeur légère, principalement parce qu'elle n'avait aucune idée de où elle était mais elle retrouva bien vite son chemin. Tous savaient ce qu'elle et Degryffon étaient parti faire, elle savait qu'ils ne le découvriraient pas avant un bon moment, sans compter le temps de le chercher dans ce dédale... Il sera réveillé depuis longtemps d'ici là. Le regard déterminé, elle savait exactement où elle se dirigeait.

Elena était en train de regarder l'immense portrait de famille lorsque la porte s'ouvrit. Elle était impressionnée par le réalisme de la peinture, il fallait dire que le peintre était très réputé et si demandé qu'il était impossible de réserver un tableau avant 34 ans. La famille semblait joyeuse et ils s'amusaient tous ensemble, comme si elle était tout droit sortie d'un conte de fée. Elle retourna le fauteuil sur lequel elle se trouvait d'un mouvement de baguette pour faire face au nouvel arrivant avec un large sourire. Il pâlit. 

"Claire Cuvier. Un nom méconnu pour une femme médiocre, née d'une mère alcoolique et d'un père absent, les premières années de sa vie furent plus tristes et pitoyables que celle d'un chien abandonné. La vie ne lui fait pas de cadeau, sa mère disparaît dans de mystérieuses circonstances alors qu'elle sort de l'enfance, elle se retrouve obligée de tremper dans ses affaires louches si elle veut gagner de l'argent pour survivre, elle se fait des ennemis et arrive même à perdre le peu d'amis qu'elle avait... Pas très fortiche, la Cuvier. Tuer à un si jeune âge, c'est déjà plus intéressant. Ça lui a même porté chance on dirait, puisqu'elle est repérée par un gang de gangsters ! Ils se servent d'elle pour le sale travail, comme elle n'est pas encore une adulte on lui fait confiance rapidement, pratique pour les assassinats. Tout avait l'air de bien se passer pour elle... Jusqu'au jour où elle disparaît, sans laisser de trace. Dans de mystérieuses circonstances. Dingue ! N'est-ce pas ? La seule différence avec sa mère c'est que cette dernière avait été retrouvée morte au fond d'un fleuve quelques jours après sa disparition, au moins. Mais Claire... Rien. Plus de nouvelle, même les gangsters ne savaient pas ce qui lui était arrivé. Plus personne n'a entendu parler de Claire Cuvier depuis. C'est triste, hein ? Quel âge aurait-elle sinon, aujourd'hui... 20 ans ? 21 ? Etant donné qu'elle n'était rien, même sa date de naissance est floue." 

Elena entrelaça ses mains, sa baguette coincée entre ses doigts pointée vers l'homme, et posa ses coudes sur le bureau en ébène luisant. Sur celui-ci se trouvait des papiers qu'elle connaissait par cœur maintenant. Depuis qu'elle les avait reçus elle les avait lus une bonne dizaine de fois, le temps d'attendre que son invité n'arrive. Evidemment, ces documents avaient aussi été envoyé à Avemignis, en espérant qu'il soit réveillé. Elle le fixait droit dans les yeux, comme un tigre qui guettait son prochain repas.

"Mes hommes se sont fait attaquer avant d'avoir fini de nettoyer le bordel que Claire Cuvier a causé. Ah, je suis allée un peu vite non ? J'aurais dû garder du suspens, mais la suite arrive, pas de panique. Ils ont été attaqués donc, et sur le groupe de six que j'avais convoqué, seulement deux ont survécu, dont un dans un état critique. Les agresseurs ont réussi à récupérer le corps du compagnon mort de Cuvier ainsi que son collègue encore vivant mais inconscient. Heureusement ils n'ont pas réussi avec Claire Cuvier et mes deux frères restants ont pu retourner à la base pour interroger la demoiselle. Il ne lui fallut pas bien longtemps avant de céder, la rune magique qui a été gravée sur son corps y était probablement pour quelque chose mais en échange de la libérer de cette douleur elle nous a tout révélé. Claire Cuvier n'était plus Claire Cuvier, mais Angéline Aubert, Marie Allais ou Carine Geiger. Cela changeait au grès de ses envies et de ses missions. Mais son véritable nom ce n'était ni Claire, ni Angéline, ni Marie, ni Carine... Mais Blanche. Blanche Lefeuvre. Depuis tout ce temps elle était simplement votre fille cachée. Vous l'avez découvert et l'avez pris sous votre tutelle. Mais entre nous, vous la traitiez plutôt comme une espionne que comme une fille, hmm ?" 

Elle ferma les yeux pour prendre une grande inspiration, visiblement agacée.

"Et dire que je venais de tout évacuer... Voilà que je sens l'agacement monter à nouveau. J'avais de l'espoir en vous, Edgar. Vous aviez un ego rafraîchissant, vous donniez envie d'avoir confiance en vous juste en vous regardant, on se sent tout de suite à l'aise avec vous. C'est un sentiment particulier. Mais maintenant, tout ce que je ressens c'est de la déception." 

Elle se leva, sa baguette toujours prête à lui lancer un sort à n'importe quel moment. Lefeuvre gardait le visage dur mais il avait les mains qui tremblaient et des gouttes de sueurs qui perlaient sur son front.

"J'ai essayé de croire à votre petit acte, mais ce n'était franchement pas très convaincant. N'importe qui à ma place vous aurait interrogé pour vous poser des questions, mais vous avez fait comme si vous n'étiez au courant de rien alors que je vous avais donné une chance d'être honnête. Et même plusieurs. Vous avez préféré rester entêté, comme Blanche. Et maintenant voilà dans quelle situation vous vous retrouvez. Quelle tristesse."
"Je-"
"Chhhhht..." 

Elle poussa un nouveau soupir.  

"Je n'ai pas envie de vous écouter désespéramment essayer de vous racheter, Edgar. Si je vous ai dit tout ça c'était pour vous faire comprendre que je savais que c'était vous qui aviez prémédité l'assassinat de notre Premier Ministre. Je pensais pourtant avoir été claire tout à l'heure, mais j'imagine que vous ne vous rendez pas compte des conséquences dont je parlais, alors je me ferrais plaisir de vous les faire découvrir." 

Elle fit un mouvement brusque de baguette et il sursauta avec un cri, ce qui la fit ricaner. 

"Avant toute chose, où est ta baguette ? Dis-le-moi à l'oral et garde tes mains en l'air."
"À ma cheville droite."

Elle souleva son pantalon d'un Wingardium Leviosa et appela la baguette jusqu'à elle avec un Accio.

"Bien, maintenant tu vas prévenir ton personnel que tu vas t'absenter pendant un petit instant. Dis-leur de prévenir les invités aussi. S'ils tentent quoi que ce soit, Tu subiras le même sort que ta fille. Peut-être même pire, je ne suis pas de très bonne humeur actuellement." 

Il déglutit et hocha la tête avant d'ouvrir la porte et d'appeler un majordome. Elena avait caché sa baguette mais était prête à réagir à tout moment. Heureusement il ne tenta rien et le majordome acquiesça avant de s'éloigner normalement, l'esprit serein.

"Vous voyez, quand vous voulez," sourit-elle.

L'instant d'après la porte explosa. Edgar Lefeuvre sortit une baguette de sa manche et lui lança un Expelliarmus qu'elle ne put éviter, trop surprise par l'explosion. Elle ignorait comment mais Lefeuvre avait réussi à prévenir son personnel qu'il était en danger et qu'il n'avait pas de baguette, c'était la seule explication. Mais ce n'était pas le moment de faire des théories, elle sortit immédiatement la baguette de Degryffon qui vibra chaleureusement entre ses doigts tandis qu'elle lançait un Dissendo, coupant net les pieds de Lefeuvre qui essayait de fuir. Il poussa un hurlement de douleur en s'écrasant sur le sol et elle se prépara à se défendre sous un Protego en voyant les majordomes et autres domestiques arriver. Elle tendit la main pour appeler sa baguette et cette dernière vola jusqu'à elle, lui permettant de ranger celle de Degryffon. Deux majordomes avaient rejoint Lefeuvre et tentaient de le soutenir pour fuir mais elle leur envoya le lourd bureau dans la tête avec un puissant Waddiwasi, les envoyant s'écraser sur le mur. Elle courut vers Lefeuvre, renforçant son bouclier magique, mais ils étaient trop et il n'allait pas tenir très longtemps alors elle changea de tactique.

"Nebulae !" 

Un brouillard épais s'échappa de sa baguette pour faire barrière entre elle et les majordomes, laissant juste le chemin jusqu'à Lefeuvre clair. De peur de toucher leur maître ils avaient arrêté de tirer et créaient de courant d'air pour disperser la brume mais c'était trop tard. Elle lança un Levicorpus pour le faire venir jusqu'à elle et au moment où ses doigts se refermèrent elle transplana au QG, disparaissant en même temps que le brouillard.